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Italiens pittoresques (1888-1893). Instantanés de Gabrielle Hébert à La Tronche - Isere / Foxoo
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FranceIsère
Source : #4900 Publié le 13/07/12 | Vues : 203

Italiens pittoresques (1888-1893). Instantanés de Gabrielle Hébert à La Tronche / Isere

La Tronche (Isère).

Italiens pittoresques (1888-1893). Instantanés de Gabrielle Hébert est un catalogue réalisé sous la direction de Laurence Huault-Nesme. Lorsqu'il revient à Rome en 1885, alors qu'il est nommé pour la deuxième fois directeur de l'Académie de France, il est accompagné de son épouse Gabrielle. La jeune femme arrive dans sa vie alors que la carrière du peintre est assurée. A soixante-huit ans, quoique toujours infatigable travailleur, il ne va plus peindre des paysannes dans les régions reculées des Abruzzes : il a d'ailleurs abandonné les scènes de genre.


A partir de 1888, le couple fera, généralement en été, au moins un voyage par an, sans compter les séjours de thermalisme pour soigner la jambe malade d'Hébert. On peut suivre ces voyages grâce aux nombreux clichés réalisés par Gabrielle. Isolée et sans doute quelque peu désoeuvrée à son arrivée à la villa Médicis, celle-ci se passionne pour la photographie instantanée que maîtrisent déjà bien les frères Primoli, neveux de la princesse Mathilde, amis d'Hébert. Elle achète un appareil portable, chambre plus petite et plus légère, et s'initie à son usage en leur compagnie. La photographie amateur, encore inédite, lui offre un champ plus large que les beaux-arts et en dehors du domaine d'action de son mari-peintre.

Comme il le faisait avec les pensionnaires, Hébert l'entraine devant les monuments dont l'étude lui semble essentielle à la formation d'un artiste. A Viterbe, via Saffi, la Casa Poscia est célèbre pour son balcon abrité par un arc surbaissé. Il a été maintes fois dessiné par les élèves architectes. Tout près, à Bagnaia, la villa Lante avec ces jardins luxuriants est l'objet de nombreux clichés dont certains, note Gabrielle sur son petit carnet sont choisis expressément par le peintre. A Anagni, belle forteresse papale du XIe siècle, l'étonnant escalier latéral de la cathédrale Santa Maria lui suggère un angle de vue nettement plus original. En réduisant le cadrage, elle accentue les jeux de lignes horizontales et de perspective, joue avec les ombres et la lumière, avec les matières. [...] Très éloignées des clichés touristiques traditionnels, ses images rappellent sa proximité avec le courant pictorialiste et par delà, elles annonçent une nouvelle esthétique.

Dans les pas de l'artiste, mais avec une attention toute féminine, Gabrielle s'attache à fixer la vie quotidienne des paysans, aux champs ou dans les villages. Tous les aspects de leurs travaux journaliers l'intéressent : le battage du blé, le ramassage du bois, les scènes de marché, les bergers gardant leurs troupeaux de chèvres, les pêcheurs pliant leurs filets sur la plage. La tâche des femmes qui travaillent durement, cultivant la terre, portant de lourdes charges sur la tête, allant à la fontaine, ou au lavoir plusieurs fois par jour constituent, comme autrefois pour Hébert, un de ses thèmes préférés. Si elles évoquent les scènes antiques, ces vues sont pourtant bien éloignées des images d'une Italie idyllique. Gabrielle porte une affection particulière aux enfants : menues corvées obligatoires, jeux improvisés, désoeuvrement forcé sur la place du bourg. Elle s'amuse de leur curiosité quand ils viennent inopinément voir de plus près la drôle de boîte, imprimant leur silhouette trouble sur le cliché qu'elle est en train de prendre.

Venue de Saxe, sans doute moins imprégnée de la culture latine que son époux, beaucoup plus jeune, Gabrielle a son propre regard sur l'Italie qu'elle découvre. Malgré leur sujet, ses photographies parviennent à échapper à l'aspect "couleur locale". Quoique sans complaisance, elle ne s'attarde pas sur une image misérabiliste : villages indigents, vie archaïque, travaux pénibles, tellement attendue quand il s'agit de raconter le sud ou les îles. Elle parvient à retenir la dignité et l'air de liberté qui habitent les villageois, en dépit de la dureté de leur existence. Prises sur le vif, du haut d'un balcon ou dans la rue, ses photographies ont des accents de reportage. Les clichés de Gabrielle Hébert retiennent les moindres détails : gestes suspendus, regards détournés, mouvements encore flous et témoignent de son véritable intérêt pour les gens. Malgré ses originies, l'aristocrate n'a pas de mépris pour le petit peuple qu'elle observe. On la sent au contraire très proche d'eux, d'un contact facile. Elle parvient ainsi à faire poser presque tout un village, les réunissant dans une joyeuse pagaille autour de la fontaine centrale, ou sur les marches d'un bâtiment. Bien que plus élaborées et certainement posées - sans doute même prises avec un pied - certaines photographies de groupe, comme celles des paysannes en costume de Sonnino, restent pourtant pleines de vie.

Comme Hébert, et parfois peut-être à sa demande, elle s'intéresse particulièrement aux paysannes Ciociare qui portent encore le costume traditionnel. C'est sans doute à travers cet exemple que l'on sent le mieux l'évolution des techniques photographiques et la modernité du regarde de Gabrielle. Les premiers photographes, formés aussi à l'Ecole des beaux-arts, ont souvent repris les thèmes des peintres. Comme eux, ils mettaient en scène les paysans du sud, musiciens ambulants ou paysannes devenues modèles professionnels, au cours de séances longuement posées, organisées dans un studio avec un éclairage naturel. Hors de leur contexte, figé dans l'attente, ceux-ci n'étaient plus que les figurants inexpressifs d'une scène de genre ou les représentants d'un type ethnographique. Plus adaptée au voyage, la photographie instantanée permet une meilleure approche de la réalité. In situ et dans leur vie quotidienne, les sujets ne sont plus des personnages jouant un rôle. Ici, leur humanité l'emporte sur le pittoresque.


La Tronche, 38


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